Exposition CHIMERA 14—16 juin 2025 IcerBergues, Genève
Il y a des œuvres qui ne représentent rien, et qui hantent le tout. Des formes surgissent à la lisière d’un rêve ancien, prises dans l’élan d’un geste interrompu, d’une mémoire lacunaire : celle d’un corps habité par d’autres corps, d’un temps ouvert par d’autres temps.
Ce que peint John Fergo, c’est peut-être cela : une matière versatile, vivante, qui cherche à se transformer sans se montrer tout à fait. Une forme travaillée par des élans contraires. Une chimère, ou peut-être son ombre. Car la chimère n’est pas seulement un monstre hybride. Elle est ce qui résiste à l’unité. Ce qui divise le regard. Ce qui échappe aux classifications – animal, végétal, minéral – pour se maintenir dans un espace mouvant. À travers plusieurs séries picturales, mêlant fusain, pastel, pein- ture à l’huile ou encre brute, l’artiste fabrique un lan- gage plastique où les formes vibrent et se superposent. Certaines s’enroulent comme des racines ou des nerfs, striées de traces blanches qui les font frémir. D’autres se dissolvent dans des voiles et des lavis qui semblent ou- vrir le passage vers un autre monde. Chaque surface est hantée par une énergie contradictoire : celle de vouloir apparaître et disparaître dans le même geste.
Chaque élément s’inscrit dans une dramaturgie du vivant. Des corps s’y plient, s’y effacent ou s’y arc- boutent dans une tension primitive. Parfois, c’est une silhouette déformée, dansante, blessée, aperçue à tra- vers une nappe de brouillard. Parfois, c’est un élan rouge incandescent, une coulée ardente, une crinière de feu sur fond de nuit. Comme si la peinture pouvait être un lieu d’érosion lente, de surgissement spectral.
CHIMERA raconte l’histoire d’une peinture qui palpite entre plusieurs règnes et qui tente de rejoindre l’organique. Et si la chimère est, depuis l’Antiquité, un être de terreur et de fascination, c’est peut-être parce qu’elle réveille en nous ce que le langage refoule : les figures anciennes de la métamorphose.